Théophile Choquet, « Ipoustéguy, l’Appel de la sculpture »
Dans l’atelier d’un sculpteur, peut-être Ipoustéguy.
Quand le public entre, on voit déjà le comédien en scène.
Il s’échauffe en exécutant des séries de grands mouvements, en respirant très fort.
Si je sculpte, c’est parce que c’est la seule activité où je n’ai pas l’impression d’être un lâche.
La pierre, le bois ou le plâtre refusent le mensonge.
Le geste de sculpter me fait atteindre en moi un état de vérité, de pleine conscience.
Conscience totale.
Et cet état, état d’esprit et état de corps aussi, est unique.
Si on est artiste on doit chercher à tout prix cette extrême sincérité. Ce qui veut dire qu’il faut être prêt à risquer
Prendre un risque (mouvement rapide improvisé)
Plus qu’un autre art, la sculpture laisse peu de place au hasard, et au doute. Il arrive toujours, tôt ou tard, ce moment où le bloc de marbre, de bois peut se fissurer et éclater si l’on ne prend pas garde. Mais le bon sculpteur est aussi celui qui saura justement tailler la matière jusqu’à l’extrême limite de sa résistance, jusqu’à ce qu’elle n’en puisse presque plus…
Plus que dans les autres arts, l’artiste sculpteur doit se battre becs et ongles pour voir accoucher cette forme dont il est totalement habité.
Ma sculpture est l’évidence du cheminement d’une colère sourde qui gronde en moi depuis toujours.
Toutes les formes que je crée témoignent de ma position d’homme dans le monde.
Je passe ma vie à vouloir cadrer cet homme, le capter dans la matière, circonscrire son mouvement authentique. Qui est-il cet homme qui traverse le XXème siècle ? Où va-t-il ? Comment y va-t-il ?
Je ne veux rechercher rien d’autre que l’être humain. Que personne ne dise que mes œuvres sont abstraites ! J’ai fui l’abstraction, que j’avais pu aimer un temps… Ça n’a pas duré.
J’ai fait ce voyage en Grèce,
Ce voyage fondateur dans ma vie,
Les statues grecques, les sculptures antiques,
Une émotion s’est produite. Une émotion. On n’explique pas une rencontre pareille.
Ce qui est sûr désormais, après la Grèce, c’est que mon passage sur Terre, si court soit-il, servira à donner la pleine mesure du corps humain, de cet ensemble tragique et merveilleux. Il ne peut en être autrement. Il faut revenir absolument au corps humain. C’est ici et pas ailleurs que se joue les drames historiques des peuples, que se lit l’évolution d’une société – le corps, le corps, le corps -.
Mais on ne peut plus faire comme les grecs de l’Antiquité ou les artistes de la Renaissance. Je ne peux pas sculpter un idéal de beauté, les divines proportions de la femme, de l’homme…
Mon humanisme à moi c’est de rendre l’homme à lui même, tel qu’en lui même, aujourd’hui. Alors la beauté ne vient pas forcément en premier…
Théophile Choquet
Comédien et metteur en scène
En 2014 et en 2016, Théophile Choquet a conçu deux spectacles de théâtre à partir de la vie et de l’oeuvre d’Ipoustéguy : Ipoustéguy, l’appel de la sculpture et Je n’ai jamais eu de problème avec la matière !