Michaël Lipp, « L’Oeuvre d’Ipoustéguy »

À Lyon, au centre de la place, se dresse, en position d’équilibre, la statue de Louise Labé. La puissance de ses facultés intellectuelles l’élève au-dessus des conditions terrestres. Prise dans des méandres hélicoïdales, semblables à la figura serpentina, elle se dégage du bloc de terre à la faveur d’un mouvement ascendant. L’effet est composé d’un côté ombré et d’un côté éclairé.

La forme double à trois jambes engagées dans des mouvements différents, une jambe, incrustée dans la matière ascendante, en épouse le mouvement spiralé et, au-dessus du genou, disparaît dans une partie façonnée de voiles ondulés et plissés qui ombragent le côté droit du personnage. Dès la sortie de l’ombre, la deuxième jambe touche encore le sol du pied, tandis que la troisième, libérée de la terre, plane dans la zone illuminée.

Par son ascension, la femme quitte l’ombre et entre dans la lumière. En outre, les motifs abstraits de l’ombre qui, représentés par des voiles matériels recouvrent une partie de la statue, font contraste avec le caractère figuratif des parties exposées à la lumière.

Le passage d’une zone à l’autre, résultat d’un mouvement dont la nature peut-être aussi bien physique que spirituelle, se montre particulièrement sensible dans la position du bras droit. Allongé en avant, dans un geste indicateur, il déjà rompu avec la zone d’ombre qui, en-deçà, entoure encore l’autre bras. Louise Labé est bicéphale. La partie de droite suit, dans un léger virage sur le côté droit, l’index pointé dans la direction du regard. L’ombre définit la moitié droite de son visage sous un voile matériel. Émergeant de l’ombre, la partie droite du visage présente des affinités avec la joue de la deuxième tếte qui, légèrement inclinée vers le bas, est exposée en pleine lumière. Au-dessus des yeux, au niveau du cerveau, les deux têtes s’entremêlent. Quoi-que partagée en deux êtres, dont l’existence s’accomplit dans la lumière et l’ombre, une unité ressort de leur coexistence.

Avec cette tension formelle qui résulte de la distribution des deux corps entre ombre et lumière, Ipoustéguy inaugure une de thématique féconde. Au sein de la métaphore plastique se dessine une image du caractère de « Louise Labé ». Dans la définition de son personnage, le sculpteur s’appuie sur une caractéristique propre à la poétesse, qui l’avait présentée elle-même dans son sonnet n°8.

A consulter à la bibliothèque publique de New York

Michael Lipp
Extrait de Jean Ipoustéguy, Das Plastische Werk 1940-1992,
Thèse de Doctorat, Mainz, 1993